Un arrêté préfectoral, en cours d'élaboration, soulève déjà pas mal d'inquiétudes. Son objet : la création d'une zone de protection du biotope sur le littoral. Trois communes sont concernées : Tréogat, Tréguennec et Plovan. Des riverains craignent une restriction de l'accès aux plages. Une seule certitude : des habitudes devront changer.
Un article paru dans le Télégramme le 18 février 2016.
La baie d'Audierne est un endroit magnifique. Des étangs naturels, une grande plage de sable fin, des oiseaux sauvages qui s'agitent dans la roselière. Un vrai décor de carte postale. Le site, qui s'étend sur trois communes (Tréogat, Tréguennec et Plovan), est classé dans les « espaces remarquables » au titre de la loi Littoral. Afin de protéger ce biotope unique (voir ci-dessous), un arrêté préfectoral est en cours d'élaboration. Un premier projet a été adressé aux municipalités concernées. Des riverains en ont pris connaissance et s'en inquiètent. « Il va de soit que la validation de cet arrêté se révélera très contraignante pour la population, s'alarme le Tréogatois Jean-Paul Quiniou. Il prévoit l'interdiction d'accès partiel à la plage et totale au cordon de galets ». Ce dernier estime que le tissu commercial de la commune en souffrirait. « Les agriculteurs à la retraite qui ont développé des gîtes et des chambres d'hôtes vont se trouver privés de revenus non négligeables », explique-t-il.
Cerf-volant, char à voile et kite-surf non autorisés
Nous nous sommes procuré le document qui présente ce projet. La zone mentionnée baptisée « Trunvel-Kergalan » s'étend sur 156,8 ha. Il prévoit en effet que « la fréquentation pédestre des personnes est autorisée jusqu'au pied de la dune ou du cordon de galet (zone de nidification des gravelots) ». Mais pas de panique, il sera toujours possible de se baigner et de se promener. En revanche, il préconise l'interdiction, sur l'ensemble de la zone, de la pratique du cerf-volant et du char à voile, ainsi que tout engin roulant évoluant sur la plage, tracté ou propulsé par le vent (ex : kite-surf), la pratique de l'ULM et des engins volants ou encore la pratique de l'équitation et du cyclisme. Les chiens ne seront pas autorisés à pénétrer dans cette « zone de tranquillité ». « Rien n'est encore officiel. Il est encore trop tôt pour en parler », lâche sèchement Pierre Le Berre, maire de Tréogat, commune dont l'ensemble de la bande côtière est concerné. « L'enjeu écologique est capital, selon Benjamin Buisson, responsable service Espaces naturels et chargé de mission Natura 2000 à la communauté de communes du Pays bigouden sud (CCPBS). C'est l'un des trois sites majeurs en Bretagne de reproduction d'oiseaux ». Un premier dossier avait été déposé par le syndicat intercommunal à vocation unique (Sivu) de la baie d'Audierne en 2011 auprès de la préfecture. « Ce site est encore relativement tranquille, indique Benjamin Buisson, à l'origine de l'élaboration des objectifs environnementaux, mais certaines activités s'intensifient et menacent l'écosystème. Il faut éviter le dérangement. Il ne s'agit pas d'interdire ni de mettre sous cloche la nature mais de réguler certaines pratiques, de limiter la fréquentation d'une partie du littoral. Il y aura des déçus, mais les mesures de prévention du site sont absolument nécessaires ».
« Manque de concertation »
Finalement, les riverains ne sont pas vraiment surpris par le contenu du projet mais plutôt « du secret dans lequel il est entouré ». Les mécontents dénoncent un « manque de concertation ». Une affirmation qu'il convient de nuancer puisque les municipalités sont consultées. « Lors de la génèse, rien n'a été fait en catimini. Et concernant la préfecture, il n'y a pas d'obligation de consulter la population », souligne Benjamin Buisson. « Chaque conseil municipal doit rendre un avis sur le projet. En ce qui nous concerne, nous délibérerons en mars », indique Claude Boucher, le maire de Tréguennec. L'arrêté pourrait entrer en vigueur cette année. Les enjeux touristiques et économiques sont importants pour ces communes littorales. Claude Boucher prévient : « Il n'est pas question d'interdire les plages à certaines catégories d'estivants. Cela doit rester un endroit libre ».
Pourquoi il s'agit d'un site exceptionnel
Le périmètre de protection proposé concerne environ 156 ha. Il s'étend sur trois communes, Plovan, Tréogat et Tréguennec, soit deux communautés de communes : celles du Haut Pays bigouden et du Pays bigouden sud. Par son riche biotope, ce site est unique. On vous explique ici pourquoi.
Botanique : 369 espèces d'êtres vivants
Du point de vue botanique, la grande diversité des habitats présentée engendre une diversité floristique importante avec 369 taxons (ou entités) recensés dans le périmètre proposé, dont 45 sont reconnus d'intérêt patrimonial. Parmi ces espèces patrimoniales, neuf sont protégées : quatre au niveau national et cinq au niveau régional. Une espèce présumée disparue en Bretagne, Lathyrus palustris subsp. Palustris (gesse des marais), a été redécouverte dans les limites du projet en 2010. En faisant l'inventaire des milieux naturels, on dénombre 17 habitats d'intérêt communautaire. Tous ces milieux jouent un rôle dans le cycle biologique des espèces patrimoniales du secteur. Ce rôle est particulièrement démontré pour les espèces aviaires.
Ornithologie : 293 espèces observées
Par sa position occidentale, la relative tranquillité du site et sa richesse écologique, la baie d'Audierne accueille de nombreuses espèces. Les oiseaux constituent une des particularités écologiques du site. Ainsi, 293 espèces y ont été observées entre 1976 et 2008, parmi lesquelles de nombreuses espèces rares ou menacées au niveau européen ou français. Onze d'entre elles figurent sur la liste rouge des espèces menacées en France. Plus de 100.000 migrateurs y transitent chaque année, certains d'entre eux y accumulent les réserves énergétiques nécessaires pour atteindre leur destination hivernale.
En complément :
- Le site de la consultation publique (projet d'arrêté, carte etc...)
- Document intitulé "Site Natura 2000 de la Baie d'Audierne - Etat de lieux et objectifs de gestion durable" 235 pages - (6,6Mo)