Per Pérennou

LogoPerRécemment, France bleu Breizh Izel s'est intéressé à l'histoire du concasseur de Tréguennec. Après une interview sur le site en compagnie d'Alain le Berre, nous sommes allés rencontrer Per Pérennou chez lui, cet après-midi du 23 aout 2016, afin de recueillir le témoignage de quelqu'un qui avait travaillé sur le site du concasseur de Tréguennec. Per Pérennou est âgé de 91 ans, voici une partie de la retranscription de son témoignage, aussi fidèle que possible.. Les phrases entre crochets [ ] ont été rajoutées pour faciliter la compréhension générale. En fin d'article, le lecteur audio vous permettra d'écouter l'interview au format mp3.
Per Perennou est décédé en mai 2020, il avait 95 ans.

L'Ero Vili, une mine d'or pour Todt

Je pense que c'est fin 43 [que j’ai travaillé sur le chantier], quand le concasseur a été mis en service. Mais ça a duré très longtemps car il y a eu des essais très difficiles, c'était l'un des premiers chantiers de concassage en France et même en Europe. Ce chantier est quelque chose d'unique, il n'y avait pas de chantier comme ça, il n'y avait pas de champs disponibles, pas de galets comme les Allemands ont trouvés [ici]. C'était une mine d'or. Il y avait là beaucoup d'équipes, mais c'était très cosmopolite puisqu'à l'exode en 1940, beaucoup de gens du Nord ont fuis devant l'avance des Allemands vers Dunkerque, et se sont réfugiés un peu partout, beaucoup en Bretagne, si bien que ces gens, qui pour la plupart étaient d'anciens mineurs ou bien des techniciens... et surtout beaucoup parlaient soit le polonais soit l'allemand, étaient disponibles pour faire des contremaitres et tout cela pour les Allemands et pour Todt.

Chacun pouvait y aller travailler du jour au lendemain

C'était très facile [d'y postuler et d'y travailler] : tout un chacun pouvait y aller tranquillement, du jour au lendemain. Ma grande honte, c'était quand même de Per Perennoutravailler pour l'occupant, mais c'était une atmosphère que je connaissais, mon frère y avait travaillé, une atmosphère assez décontractée, assez sympathique. Les gens étaient là : il y avait l'organisation Todt, habillés en kaki avec la croix gammée quand même. C'était des gens "pépère" disons. Je pense qu'il était assez contents d'être là plutôt que d'aller vers le front Russe. C'était des gens assez âgés, certains étaient plein d'humour, il y avait des contremaitres de chez nous qui étaient beaucoup plus durs que les Allemands, et qui se prenaient au sérieux. Je me souvient les fois où j'ai eu des prises de bec avec certain des contremaitres, je n'admettais pas trop, j'étais un peu contestataire. C'est pour ça que j'ai fini comme caporal dans l'armée, alors que mon copain de St Jean (Trolimon) lui, a fini colonel.

Alors, on allait, on se présentait au chantier. Le chantier était ouvert, il n'y avait pas de fermeture, il y avait simplement des champs de mines vers les terres et sinon c'était ouvert sur l'océan obligatoirement. On se présentait soit à Plonéour, soit directement sur le chantier. Moi je suis arrivé et j'ai dis, puisque ma foi sans me vanter j'avais déjà fait un peu d'études quand même , j'ai dit : "je vais travailler au bureau". Alors ont m'a répondu "ha non, c'est complet, tu iras travailler sur la voie pour l'entretien de la petite voie sur la dune de galets". Alors j'ai dit "Bon, ben on y va".

On stabilisait les rails, il n'y avait pas de traverses : elles étaient là, directement sur les galets. Cette dune, ce mur ! imposant ! qui faisait parfois 7-8 mètres de haut, 50 mètres de large, c'était impressionnant ! Il faisait parti de notre décor. Après, quand il s'est affaissé, beaucoup à cause des Allemands, on se trouvait tout nu, on n'avait plus notre mur ! Ce mur, c'était quelque chose d'impressionnant. On savait qu'ils (les galets) servaient à la construction du mur de l'Atlantique, donc on n'était pas dupe. Moi j'étais d'une famille de 14 enfants, tous les frères et soeurs avant moi, même après moi, étaient déjà au boulot. Moi j'avais la chance de pouvoir continuer un peu mes études. Je pensais : « Et si tu peux gagner un peu d'argent pendant tes vacances, ce serait bien que tu puisses offrir ça à ta mère ». c'est ce qui s'est passé. Les gens du pays y allaient un peu en tapis noir (tapinoi ?), ça ne se disait pas mais ...ça passait.

Il fallait trouver du travail

 

Il fallait trouver du travail pour beaucoup, et beaucoup c'était pour éviter le STO, le service du travail obligatoire. Moi je n'étais pas concerné directement et puis comme j'ai passé le concours des P&T fin 43, là j'avais déjà commencé, j'étais plus tranquille parce que j'avais une carte de travail. Mais j’ai eu un pépin : J'ai eu le pouce écrasé en posant ou en jetant des rails, parce que je me rappelle toujours, on les portait à une dizaine de personnes ces rails, je ne sait pas combien ça pouvait faire de long, c’était assez lourd.

  C’est là qu’il y avait des contremaitres. Je me rappelle toujours l’un des chefs Todt : Moi j’étais grand déjà à l’époque et je m’abaissais pour que je n’ai pas tout le poids sur moi seul. Alors il me disait « Perennou ! une livre ! » je portais une livre ! vous voyez un peu l’ambiance assez débonnaire, et les gens admettaient assez facilement ma foi. C’était assez bien payé et surtout on y allait tranquillement. Il y avait un turn-over ça changeait beaucoup parce que beaucoup avait trouvé autre chose, parce que beaucoup ne se sentaient pas à l’aise quand même .   Il y avait beaucoup de marin-pêcheur de St Gué[St Guénolé] et du Guilvinec qui venaient à pieds, tout les jours, ça faisait quand même une bonne dizaine de kilomètres. Chez nous, il y avait un marin-pêcheur qui était un peu un parent. Ils étaient quatre et logeaient chez nous, sur la paille dans le grenier, et il ne pouvait pas partir en mer parce qu’il n’y avait plus de gaz-oil et parce que c’était interdit .  
 

On ne faisait pas trop de zèle, mais on n’a jamais trop saboté

La plupart des gens étaient recrutés comme manœuvre sans spécialité. Moi j’ai posé des rails mais je n’était pas spécialisé là-dedans. On ne faisait pas trop de zèle, Alain le Berre, lors de l'interview sur le site du concasseurmais on n’a jamais trop saboté, on ne pouvait pas facilement saboté. On avait un gars mais ce n’est pas lui qui nous surveillait : le lieutenant Bicking, de sinistre mémoire, on l’appellait « march gwen » parce qu’il avait un cheval blanc. Il a été impliqué dans les arrestations en pays bigouden notamment à Plomeur. Le maire de Plomeur a été exécuté. Mais au chantier, il n’y a jamais eu vraiment d’embêtement, il y a eu quelques mitraillages des Anglais mais il n’y a pas eu trop de pépins.

Après la guerre, ce qui est étonnant c’est qu’on a continué le chantier, mais avec les Français, ce qui fait qu’il y a eu une passation tranquille et c’est devenu l’exploitation, mais je crois que le concasseur a servi pour le chantier de la carrière (communale) mais aussi, pour la réserve de galets impressionnante. Mais là j’étais déjà parti en 44 dans la résistance. D’un côté j’ai travaillé pour les Allemands et de l’autre côté je m’étais inscrit chez les FFI contre les Allemands. Alors la morale était sauve sans doute pour moi.

Pendant la guerre on ne parlait pas du concasseur. Non, c’était quelque chose de discret mais beaucoup de gens y ont travaillé. Peut-être 300 ou 350 personnes disséminés un peu partout. Les gens du pays changeaient beaucoup, les autres, du Nord, des Ardennes, des Belges, des Hollandais avaient des chambres en ville. Il y avait même un petit ramassage avec les cars allemands, Mercedes et Magirus, qui faisaient le tour pour aller récupérer des agents de Todt qui habitaient à Pont l’Abbé ou ailleurs, et d’autres aussi, mais les gens n’aimaient pas du tout qu’on les voie dans les cars, ils préféraient aller à pieds, discrètement. Moi j’habite à un bon kilomètre de là donc il n’y avait pas de problème et puis à l’époque vous savez, marcher à pieds n’était pas un problème.

Pour écouter l'interview, vous pouvez téléchargez le fichier au format mp3

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