En juillet 1942, au pays Bigouden, les blockhaus du Heer, l’armée de terre, les « casemates » comme les appellent les anciens, n’existent pas encore. Une carte militaire ne mentionne que la présence de Küstenwachen der Inf., des postes de veille. La construction des ouvrages ne démarrera qu’à l’automne. Tout au plus, en trouve-t-on quelques-uns, à l’état de chantiers, à Concarneau et Audierne promus en mars au rang de points d’appui lourds et inclus dans le premier programme de fortifications.
Quelles défenses avant 1942
Sur le rivage, des éléments d’infanterie installés dans des positions de campagne traditionnelles. Par exemple à Plovan, la palud rase est sillonnée de tranchées, truffée d’épaulements en terre et semée d’abris recouverts de rondins. Les douze kilomètres de plage qui inspirent quelque inquiétude aux Allemands sont directement placés sous le feu des canons antichars et des armes automatiques de cinq points d’appui, constitués d'épaulements en terre et semée d’abris recouverts de rondins. En retrait dans les terres, les batteries d’artillerie hippomobile de Keryère/Tréogat sont disposées dans des simples cuves de béton. Les troupes cantonnent dans les bourgs et les fermes proches.
Qu26
Ru Ru Vein est situé à 3000 mètres de Penhors dont il recoupe le tir avec sa pièce de 5cm KwK (50mm) en encuvement. Pièce courante sur le Mur de l’Atlantique, le 50 KwK est un canon déclassé de char, monté sur pivot, pouvant battre tout l’horizon. Il permet de combattre les engins amphibies, les blindés ou l’infanterie. Selon sa destination, le projectile antichar/antipersonnel peut porter utilement de 500 à 3000 m, perforer encore 37 mm de blindage à 1000 mètres. Un observatoire en bois est utilisé pour la veille. Un sous-officier et cinq hommes servent ce canon, ils logent dans la ferme voisine de Crumuni. Le 4 août 1944, les Caucasiens abandonnent le canon dont la manœuvre fera bientôt la joie des enfants de Plovan avant que des ferrailleurs ne le découpent. La cuve est encore en partie visible.
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Qu31
Kermabec palud lui succède 2700 m plus bas. La position comprend cette fois deux pièces de 50 mm KwK. La première, sous casemate modèle 667, avec une ouverture de tir limitée à 60°, est logiquement pointée vers Plovan. La seconde, placée dans une cuve pour canon, balaie tout l’horizon. Deux tobrouks complètent la défense du point d’appui. Entre les blocs de combat est placé un gros blockhaus 501 où sont abrités le personnel, et sa soute à munitions.
Qu36
Saint-Vio est situé à 1800 m plus au sud. La position est identique à la précédente mais elle ne dispose pas d’un 50mm en cuve. Son canon sous 667 recoupe son feu avec la cuve de Kermabec précitée. Un projecteur y est également installé. Les Allemands font sauter la pièce à leur départ. L’année suivante les ouvrages serviront de fosse pour la destruction des mines ce qui explique leur délabrement qui n’est pas uniquement dû aux assauts de la mer. Qu31 et Qu36 sont désormais situés loin du rivage érodé qui a reculé, de plus de 100 mètres.
Qu35
Prat-ar-C’hastel - Nous le savons, l’imposant mur-casemate a été mis en état de défense (voir également l'article sur les galeries). Au pied de sa moitié nord court une longue galerie de béton donnant accès à deux blockhaus pour mitrailleuses dirigées vers le rivage. La galerie débouche au nord dans un gros blockhaus à mitrailleuses à deux larges meurtrières couvrant l’intérieur, renforcé par un gros tobrouk à mortier. A l’extrémité sud du mur est accolé un blockhaus-garage 672 abritant probablement un gros canon antichar pouvant battre en profondeur l’étendue sud de la palud.
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Tronoën-plage, 1800m plus bas que Saint-Vio, ne comprend qu’un ouvrage abri modèle 501 avec tobrouk à mitrailleuse. Il devait abriter les servants d’armes automatiques abrités dans les dunes. L’absence de canon à cet endroit est surprenante. Il est vrai que la couverture du secteur est assurée par les pièces de 105 et de 50 de la Torche. Qu39 tombe en effet dans le champ de tir de la pointe, à 1800 mètres au sud.
Les soldats de Rommel
Rommel va faire truffer les zones favorables à des débarquements aériens et maritimes d’obstacles de toute nature. Une volonté obsessionnelle, si l’on en juge par la rapide succession des ordres transmis à cet effet. Pour rendre dangereux l’atterrissage de planeurs, il fait planter dans les grandes étendues des milliers d’asperges, des troncs d’arbres dépassant du sol de deux mètres environ. Les bois de pins et d’ormes des communes environnantes vont payer un lourd tribut à la mise en place de ces épieux. Les Allemands plantent également des troncs dans le sable de l’estran. Certains portent un obus. A Penhors, pour activer le creusement des trous destinés à les recevoir, la pompe à bras des pompiers de Plozévet est utilisée. Mais les éléments marins peu cléments couchent ces obstacles. Le chevalet de bois miné résiste mieux. Ce sont finalement les tétraèdres de béton à l’embase large et stable qui demeurent stoïques au milieu du ressac. Ils sont fabriqués à Prat-ar-Hastel. Localement, on les appelle Les soldats de Rommel, une expression à notre connaissance unique, spécifique au pays bigouden. L’enlèvement des derniers tétraèdres jugés dangereux pour les amateurs de glisse a commencé.
Source :
LA GENESE DU MUR DE L’ATLANTIQUE EN SUD-BRETAGNE,
La défense côtière allemande dans l’ouest du pays Bigouden.
Alain le Berre 2008 Revue 39-45 Magazine